Le vrai gâchis d’Outreau : des victimes toujours en danger

Le vrai gâchis d’Outreau : des victimes toujours en danger

Ce vendredi 10 juin, Franck Lavier, un des « innocents d’Outreau » (déclaré coupable par la Cour d’Assises de Saint-Omer en 2004, puis acquitté en appel par la Cour d’Assises de Paris en 2005), a été mis en examen pour viol et agressions sexuelles sur sa fille mineure, et mis sous contrôle judiciaire avec notamment interdiction de rentrer à son domicile et d’entrer en contact avec sa fille âgée de 17 ans.
Les agressions auraient été commises dans le courant de l’année 2016, et ont donné lieu à un signalement de l’Education Nationale.

11 ans après, le gâchis de l’affaire d’Outreau continue. Non parce que ce serait un « retour à la case cauchemar » pour Franck Lavier comme ose le titrer le journal 20 minutes, mais parce que c’est le cauchemar des victimes que l’on a ignoré depuis des années qui continue.
Des victimes qui, bien loin d’être protégées, ont été mises dans le box des accusés (pas seulement au sens figuré, mais de façon scandaleuse, dans la vraie réalité, devant la Cour d’Assises de Saint-Omer…) traitées de menteuses, quelquefois ridiculisées, et renvoyées sans ménagement à leurs agresseurs.

Le couple Lavier avait déjà été condamné en 2012 par le Tribunal Correctionnel de Boulogne-sur-Mer pour violences volontaires sur deux de leurs enfants, mais la peine prononcée a été assortie d’un sursis.
Durant cette procédure, plusieurs vidéos de scènes sexuelles d’adultes, en présence délibérée de leurs enfants mineurs, ont été saisies mais n’ont donné lieu à aucune condamnation pour « corruption de mineurs »…
Les violences verbales et physiques du couple Lavier ont été dénoncées par leurs enfants depuis le début de cette affaire d’Outreau. Une de leur fille est restée placée, même après la décision d’acquittement, parce qu’elle refuse de retourner là-bas. Des violences qui ont été évoquées par des avocats devant la Commission d’Enquête Parlementaire dans l’indifférence générale, la préoccupation des parlementaires étant surtout de rendre le juge Burgaud seul responsable du fiasco judiciaire et de rivaliser d’empathie pour les « innocents d’Outreau ».

A ce titre, après avoir été acquitté par la Cour d’Assises de Paris, le couple Lavier a été reçu en grandes pompes à l’Elysée et largement indemnisé par l’Etat.

Mais qu’a-t-on fait pour protéger les enfants Lavier ?
De la même façon que l’on a expliqué sans honte aux trois enfants Delay, qu’en réalité ce qu’ils dénonçaient étaient des « faux souvenirs », va-t-on continuer à ignorer la souffrance des ces victimes ?

Ce procès d’Outreau a marqué pour la protection de l’Enfance un retour en arrière de 50 ans, « une régression majeure » constatée et dénoncée par de nombreux professionnels (voir le livre « Danger en protection de l’Enfance », Romano et Izard, collection Dunod).
L’excellent documentaire réalisé par le journaliste Serge Garde « Outreau : l’autre vérité » était déjà suffisamment dérangeant pour qu’aucun média ne souhaite le diffuser, alors qu’il a pour le moins le mérite de montrer que la réalité de cette affaire est beaucoup plus complexe que la vision caricaturale qui en a été donnée par la presse ou nos responsables politiques.

Il est vrai qu’il est certainement plus facile de considérer que cette violence impensable n’a pas existé et qu’elle ne résulte que de « faux souvenirs » ou de l’imagination fertile des enfants….
Cette nouvelle affaire va-t-elle enfin convaincre les acteurs de la protection de l’Enfance qu’il est grand temps de se soucier des enfants victimes et non de les mépriser comme on le fait depuis plusieurs années à la simple évocation du mot « Outreau » ?

Pascal CUSSIGH
Président de l’association « Coup de Pouce
Protection de l’Enfance »

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