Ils sont nombreux à crier victoire. Mais c’est une victoire paradoxale que les associations de défense des droits des enfants et les mouvements féministes ont obtenue mercredi. En préambule de l’examen du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles au Sénat, le gouvernement a fait savoir qu’il ne réintégrerait pas la notion d’atteinte sexuelle avec pénétration. Cette création, qui figurait dans l’article 2 du texte et suscitait la colère de nombreuses associations, avait déjà été supprimée par les sénateurs lors du passage du texte en commission. A son arrivée dans l’hémicycle, Marlène Schiappa a fait de cette évolution une victoire du consensus et de l’écoute mutuelle. «Fidèle à l’esprit de concertation qui nous a animés, nous avons pris en compte les inquiétudes, la secrétaire d’Etat, se rangeant à l’argumentaire des opposants. Nous ne voulons pas prendre le risque d’exposer ne serait-ce qu’une seule victime à une déqualification du crime qu’elle aurait subi».

Mobilisés depuis cet hiver contre le texte, Osez le féminisme, l’association Mémoire traumatique et victimologie ou le Groupe F ont multiplié les communiqués de satisfaction après un long bras de fer. «Grâce à nous, les droits des enfants ne vont pas reculer», salue Osez le féminisme sans applaudir les dispositions du texte porté par Marlène Schiappa et la garde des Sceaux, Nicole Belloubet : «Nous restons mobilisés, il ne s’agirait pas que le gouvernement trouve une formulation tout aussi dangereuse. […] En l’état, le texte n’apporte pas d’avancée ou de solution concrète.» Un pas en arrière mais pas de pas en avant. «Nous continuons de réclamer une infraction criminelle spécifique, posant l’interdiction pour tout majeur de commettre un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans», a renchéri sur Twitter Lyes Louffok, l’un des principaux fers de lance de la contestation, et membre du Conseil national de la protection de l’enfance.

«Famélique»

«Je ne boude pas mon plaisir en apprenant ce recul, explique la députée La France insoumise Clémentine Autain. Marlène Schiappa nous avait expliqué que ce qui constituait un viol, c’était les notions de « violence, contrainte, menace ou surprise », mais pas la pénétration. Or, c’était une avancée arrachée par les féministes dans les années 80». Pour la parlementaire, «cette loi reste misérable et famélique alors qu’il aurait fallu une grande loi-cadre sur les violences faites aux femmes». «Certes, il y a des homicides involontaires mais il n’y a pas d’introduction involontaire du pénis d’un adulte dans la bouche, le vagin ou l’anus d’un enfant. Cessons cette discussion sur l’intentionnalité», a tonné la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, partisane, elle aussi, de la présomption de non-consentement en dessous de 15 ans.

Après avoir un temps espéré instaurer ce seuil, le gouvernement avait fait machine arrière devant les craintes constitutionnelles soulevées par cette formulation. L’article 2 du texte visait donc à réprimer spécifiquement les violences sexuelles commises sur des mineurs de moins de 15 ans. Où il est question, pour étayer le non-consentement d’une jeune victime, de préciser les notions de «contrainte morale» ou de «surprise» en prenant en compte «l’abus de vulnérabilité» et son «discernement». De plus, il s’agissait de compléter cette première disposition par un délit d’atteinte sexuelle avec pénétration sur mineurs de moins de 15 ans, avec des sanctions renforcées par rapport à l’atteinte sexuelle. Ce qui avait fait bondir les associations. Elles pointaient le risque de déqualification de certains viols en délits, craignant que des magistrats, qui peineront toujours à prouver le viol, préfèrent renvoyer l’affaire en correctionnelle. D’où leur mobilisation sous le hashtag #leviolestuncrime.