l’association Face à l’Inceste révèle en exclusivité les résultats d’un sondage réalisé par Ipsos en juin 2025, selon lequel 90 % des Français se déclarent favorables à l’imprescriptibilité des crimes d’inceste.
La société française parle d’une seule voix : il est urgent d’agir face à l’inceste. L’inceste, crime longtemps occulté dans le droit français, reste encore aujourd’hui insuffisamment reconnu et puni. Pendant plus de deux siècles, il a été absent de nos codes. Il a fallu attendre la loi Billon de 2021 pour qu’il soit défini, de façon encore incomplète, dans le Code pénal. Cette lacune juridique reflète une difficulté profonde à affronter ce crime de masse, tabou universel selon l’anthropologue Maurice Godelier. Selon un sondage réalisé par Ipsos pour l’association Face à l’inceste en juin 2025 sur plus de 1000 personnes, 90 % des Français se déclarent favorables à l’imprescriptibilité des crimes d’inceste. Cette immense majorité comprend que le traumatisme profond empêche souvent les victimes de parler pendant des années.
L’imprescriptibilité ne remet pas en cause les droits de la défense ni les exigences de preuve ; elle offre simplement à la justice la possibilité d’agir, même tardivement. C’est une mesure de cohérence, un acte démocratique qui affirme que certains crimes, en raison de leur gravité et de leur impact sur l’enfance et les fondements familiaux, ne peuvent être effacés par le temps. C’est permettre aux victimes de parler quand elles sont prêtes et rappeler aux agresseurs qu’ils ne seront jamais à l’abri. A l’heure où les citoyens sont prêts, à 90 %, où le Conseil d’Etat, dans son avis du premier octobre 2015, et le Conseil constitutionnel, du 24 mai 2019, donnent leur feu vert, en rappelant les larges pouvoirs du législateur pour adapter la prescription à la nature et à la gravité des infractions, le refus politique est incompréhensible.
Condition minimale de justice
L’imprescriptibilité n’est pas un luxe juridique, c’est une condition minimale de justice. Elle ne résout pas tout. Mais elle ouvre la voie. L’Etat ne peut plus se contenter d’écouter la société ; il doit maintenant l’entendre – et agir. Ces chiffres montrent une fois de plus l’aspiration démocratique de la société française à protéger les enfants, à reconnaître l’ensemble des situations incestueuses et à garantir aux victimes un véritable droit à la justice.
Autre revendication forte : 96 % des Français demandent une protection immédiate de l’enfant lorsqu’un parent est visé par une enquête pour inceste. Parmi eux, 60 % se prononcent pour une interdiction totale de contact et 36 % se prononcent pour des rencontres encadrées par un professionnel désigné par la justice. Cette attente traduit une conscience croissante de la nécessité de protéger les enfants sans délai et non pas à la fin de l’enquête, qui peut prendre plusieurs mois, comme c’est le cas aujourd’hui.
Enfin, 93 % des Français veulent que les relations entre cousins soient reconnues comme relevant de l’inceste. La loi actuelle désigne les ascendants (parents et grands-parents), les collatéraux (oncles, tantes, frères, sœurs, neveux, nièces) et les conjoints et concubins de ces personnes.
Une attente cohérente avec la réalité vécue par les victimes : 20 % des agresseurs identifiés sont des cousins ou cousines. Pourtant, la loi actuelle exclut encore ces liens de la définition pénale de l’inceste. Et pourtant, en mars 2025, le gouvernement a rejeté trois recommandations clés de la Ciivise (Commission indépendante sur l’Inceste et les Violences sexuelles faites aux Enfants) : l’élargissement de la définition de l’inceste aux cousins (n°22), la protection immédiate de l’enfant par une ordonnance de sûreté (n°26), et l’imprescriptibilité (n°60).
Un statu quo qui protège les agresseurs
Ce triple refus perpétue un déni institutionnel. Il maintient un statu quo qui protège les agresseurs plus que les victimes. Ce refus politique laisse un goût amer : il maintient un système où les victimes restent trop souvent seules face au silence judiciaire. L’Etat ne peut plus ignorer ces signaux clairs. Les attentes de la société sont nettes, constantes, et profondément humanistes.
Ce décalage entre les attentes citoyennes et les décisions politiques est devenu insupportable. Alors que selon nos sondages 11 % des Français se déclarent victimes d’inceste, que moins de 1 % des plaintes aboutissent à une condamnation, et que la moitié des victimes tente de se suicider, il est urgent de répondre à cette exigence démocratique.
L’association Face à l’inceste appelle à poursuivre le travail collectif pour organiser la mise en œuvre de l’imprescriptibilité de l’inceste ; pour enfin garantir aux victimes que la société est prête à les entendre – sans condition de délai. L’Etat ne peut plus rester sourd.
Par L’association Face à l’inceste