La porteuse du projet de loi, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
La porteuse du projet de loi, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.
© (Archives NR, Patrick Lavaud)

Juristes, psychologues et associations sont montés au créneau lundi, dans un communiqué, pour dénoncer le projet de loi contre les violences sexuelles.

Ils sont 139 signataires à avoir dénoncé lundi 2 juillet, dans un communiqué, le projet de loi du gouvernement. Le texte, porté par la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, est considéré comme dangereux par les pétitionnaires.

Selon ces juristes, psychologues, psychiatres ou associations, le projet de loi, présenté mercredi 4 juillet au Sénat, est une régression envers les droits des mineurs. Pascal Cussigh, avocat et président de l’association Coup de pouce – Protection de l’enfance, nous explique en quoi :

Quarante-sept associations dédiées au droit à l’enfance qui signent un communiqué commun, qu’est-ce que cela signifie ?« Ça signifie que nous sommes, tous opposés à ce projet de loi et surtout contre l’article 2. Si certains d’entre nous ont des propositions différentes, nous sommes en tout cas unanimement contre. »

Diriez-vous que cet article 2  protège moins les mineurs ?« Oui, totalement. Le gouvernement est revenu sur les objectifs qu’il s’était fixés au départ – le texte initial prévoyait d’inscrire dans la loi un âge minimal de non-consentement pour les moins de 15 ans, texte retoqué par le Sénat et le Défenseur des droits – C’est une reculade de la part de l’exécutif, mais c’est surtout une régression. Avec l’article 2, il y aura l’“ atteinte sexuelle avec pénétration ”. Prenons deux exemples : un viol sur un adulte et un viol sur un mineur. Sur un adulte, soit le viol est avéré, soit il ne l’est pas. Pour un enfant, avec ce texte, le viol pourrait ne plus être un viol. Il pourrait devenir une “ atteinte sexuelle avec pénétration ”. Ce qui n’est qu’un délit. On considère donc, avec ce traitement particulier, qu’un viol d’enfant pourrait être moins grave qu’un viol sur un adulte. »

Juridiquement, qu’est-ce qui change ?« On a vu avec les affaires récentes de Pontoise et de Meaux qu’il était parfois difficile d’apporter la preuve de la contrainte parce que l’enfant peut rester figé de peur et ne pas s’opposer physiquement. Là, au lieu de poser un principe de non-consentement, comme l’ont fait la Belgique, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, le gouvernement reste sur le principe de délit sexuel et non pas de crime. Les peines ne sont pas les mêmes. Et sachant que les magistrats sont surchargés de travail, ils ne vont pas essayer de rechercher une preuve de contrainte difficile à établir si on leur sert sur un plateau cet article 2 et son “ atteinte sexuelle avec pénétration ”. Les magistrats du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes ont aussi pointé du doigt cette crainte, comme le Syndicat de la magistrature. »

Vos craintes sont-elles justifiées ? Le Conseil d’État et le Défenseur des droits ont pourtant retoqué en mars le projet de loi initial qui gravait dans la loi ce que vous réclamez aujourd’hui…« Ces autorités n’ont pas dit que le texte de départ était contraire à la Constitution. Ils ont critiqué la façon dont l’article était rédigé. Le gouvernement a parfaitement le pouvoir de consulter le Conseil constitutionnel – la plus haute juridiction en France – avant le vote de la loi. Hors il ne le consulte pas, alors qu’il suffit de retravailler le texte. Là, on va se contenter de gérer les affaires au cas par cas. »

On ne pointe pas trop facilement le doigt sur les accusés ? Ils sont pourtant présumés innocents jusqu’à preuve du contraire…« On peut très bien instaurer une présomption de non-consentement pour les mineurs de moins de 15 ans, et ce serait à l’accusé d’apporter la preuve du contraire. L’individu mis en cause devrait apporter la preuve sur le consentement. Surtout, il aurait toujours d’autres moyens de clamer son innocence, en expliquant qu’il n’y a pas eu d’acte sexuel entre lui et le mineur, ou qu’il ignorait l’âge de la victime. L’accusé conserve les moyens de se défendre. Mais il faut arrêter de dire qu’un enfant de 11 ans ou de 7 ans pourrait consentir à un acte sexuel. Ça, ce n’est plus acceptable. »