#MeTooInceste. Un an après, qu’est-ce qui a vraiment changé pour les victimes ?

#MeTooInceste. Un an après, qu’est-ce qui a vraiment changé pour les victimes ?

Il y a un an, le livre de Camille Kouchner, La familia grande, créait une onde de choc. Des milliers de victimes d’inceste ont témoigné sur Twitter sous le mot dièse #MeTooInceste. Si, depuis, la société a progressé dans la protection des enfants, les associations veulent aller plus loin.

Image par lisa runnels de Pixabay

La publication de l’ouvrage de Camille Kouchner, La familia grande, le 7 janvier 2021, initiait une vague de témoignages sur Twitter, estampillés du mot dièse #MeTooInceste. Depuis, la loi a été changée et une commission indépendante, la Ciivise, annoncée dès l’automne 2020, a commencé ses travaux. Les associations, elles, veulent aller plus loin. On fait le point.

Des victimes davantage entendues

« Depuis un an, les victimes ont moins peur de libérer leur parole et de le faire publiquement, même quand ce sont des personnalités publiques, indique Laurent Boyet, président et fondateur de l’association Les Papillons. Quand on disait, il y a quelques années, que la honte devait changer de camp, j’ai l’impression que cela s’est amorcé l’année dernière. »

Un mouvement de témoignages massif​, qu’a aussi constaté la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Annoncée par le gouvernement dès l’automne 2020, elle s’est mise au travail en mars 2021.

Notre démarche a consisté à partir de la parole des victimes​, explique Nathalie Mathieu, co-présidente de cette commission et directrice générale de l’association Docteurs Bru, à Agen, qui pilote la maison d’accueil Jean Bru, pour les jeunes filles victimes d’inceste.

Depuis octobre, la Ciivise organise chaque mois des réunions publiques, au cours desquelles des victimes d’inceste viennent témoigner de leur vécu. Et elle a mis en place des plateformes, téléphoniques et numériques. En tout, 8 000 témoignages ont déjà été recueillis. C’est un mouvement qui ne se tarit pas et dans lequel les victimes se sentent entraînées, autorisées à témoigner​, constate Nathalie Mathieu.

Ces témoignages sont importants pour les personnes elles-mêmes, explique-t-elle. Mais aussi pour la société. Pour changer son regard, elle doit ​entendre le traumatisme généré par l’inceste, qui est un empêchement à vivre. Ce sont aussi des témoignages importants pour nous car ils doivent nous aider à faire des propositions de politiques publiques pour une meilleure prise en charge des victimes, un meilleur suivi des agresseurs etc.

 

Une écoute s’est mise en place​, indique aussi Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’inceste. Mais on parle d’une libération de la parole alors qu’en réalité, les victimes parlent depuis longtemps. »

Après #MeToo, ce mouvement a, selon elle, permis « une prise de conscience de la particularité et de la spécificité de l’inceste. »

 

Egalement membre de la Ciivise, Laurent Boyet constate qu’il reste cependant une certaine incompréhension de la société à l’égard du temps que mettent les victimes à oser parler.

Une loi en avril 2021

Une loi a été adoptée en avril 2021. Elle prévoit qu’en dessous de 18 ans, l’enfant victime d’inceste par un ascendant n’a désormais plus à établir qu’il n’était pas consentant. « La loi va indéniablement dans le bon sens, mais il y a des trous dans la raquette », regrette Pascal Cussigh, président de CDP Enfance et membre du Collectif pour l’Enfance. La notion d’ascendant, souligne-t-il, pose problème : On a rétréci le champ de l’inceste. « On a aussi des craintes par rapport à la constitutionnalité de ce nouveau dispositif, donc on reste attentif à l’application de cette loi », ajoute-t-il, notant par ailleurs que la loi ne s’applique qu’aux « infractions commises après sa promulgation. »

Un décret contre le « pseudo-syndrôme d’aliénation parentale »

Fin octobre, la Ciivise a émis un premier avis, avec trois recommandations. L’une d’elles a fait l’objet d’un décret, qui vise le « pseudo-syndrome d’aliénation parentale ». Il prévoit que pendant une enquête judiciaire sur des allégations d’inceste, les mères refusant de confier leur enfant au père soupçonné ne doivent pas être poursuivies. Cette traduction dans la loi est une satisfaction pour Nathalie Mathieu, mais, dit-elle, il faudra être vigilant sur la manière dont ce décret sera appliqué sur le terrain, par les juges notamment​.

Les deux autres recommandations (suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi, et retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent) « n’ont, pour l’instant, pas été traduites dans notre droit », regrette Pascal Cussigh.

Ce que l’on souhaiterait, c’est qu’il y ait une protection de l’enfant dès qu’il parle et dès le début de l’enquête​, souligne-t-il. Notamment au regard des nombreux classements sans suite des plaintes (plus de 70 %). « Un enfant qui dénonce des faits d’inceste, la plupart du temps, peut se retrouver obligé de retourner chez le parent qu’il dénonce lors du week-end qui suit ou des vacances qui suivent. Non seulement, ça le met potentiellement en danger, il y a un risque de récidive possible. Mais cela compromet aussi l’enquête elle-même. »

Plus de moyens

Pour entendre les enfants, Laurent Boyet préconise de mettre des outils au plus près d’eux pour permettre la libération de la parole. ​Il faudrait aussi selon lui beaucoup plus d’écoutants au numéro d’appel 119. ​Isabelle Aubry demande également plus de moyens pour la justice.

« On est encore très ancré dans la peur que les dénonciations soient fausses. On raisonne beaucoup pour protéger les droits du parent, mais on n’a pas la culture de protection de l’enfant », conclut, pour sa part, Pascal Cussigh.

Sources: #MeTooInceste. Un an après, qu’est-ce qui a vraiment changé pour les victimes ? (ouest-france.fr)

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