Opposer présomption d’innocence et protection de l’enfant : un faux débat

Opposer présomption d’innocence et protection de l’enfant : un faux débat

Opposer présomption d’innocence et protection de l’enfant : un faux débat

Pascal Cussigh est avocat au barreau de Paris, président de CDP-Enfance (Comprendre Défendre Protéger l’Enfance), association membre du Collectif pour l’enfance (CPLE). ©DR

La journaliste Nadia Graradji a interviewé le président de CDP-Enfance, Pascal Cussigh, pour parler des obstacles judiciaires autour de la protection de l’enfant. La présomption d’innocence des accusés étant souvent invoquées pour trop peu intervenir ou pas intervenir dans les affaires de violences commises envers des enfants. Des affaires qui se retournent bien souvent contre les mères qui doivent désobéir à la loi pour mettre leur enfants en sécurité. Voici quelques extraits de cette interview :

[…]

Que pense CDP-Enfance de la proposition de loi pour protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales portée par la député socialiste du Val-de-Marne Isabelle Santiago ?

Pascal Cussigh : La proposition de loi Santiago est très incomplète. retirer l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement au parent quand il est mis en examen ou condamné revient à intervenir en bout de chaîne pénale. La Ciivise (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) comme le collectif pour l’enfance (qui regroupe 45 associations) souhaitent qu’il puisse y avoir une protection de l’enfant dès le début de l’enquête.

Certains vous opposent l’argument de la présomption d’innocence

Pascal Cussigh : C’est un faux débat ! Juridiquement la présomption d’innocence n’a jamais signifié ne prendre aucune mesure de protection pour l’enfant. Au contraire. Le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants doivent chaque fois statuer en fonction de l’intérêt de l’enfant, s’il y a des éléments de danger et le protéger. On fait dire à des principes de notre droit ce qu’ils ne disent pas ! Certaines prises de paroles de membres du gouvernement sur la présomption d’innocence sont juridiquement inexactes.

Vous faites référence à la déclaration en septembre de Charlotte Caubel qui pense qu' »il faut être équilibré entre la présomption d’innocence et la mise en sécurité des enfants ».

Pascal Cussigh : La présomption d’innocence n’est pas antinomique avec la protection de l’enfant. Dans le cadre de l’enquête, des mesures de protection sont indispensables, non seulement pour protéger l’enfant mais pour protéger l’enquête elle-même. Si on dit à un enfant de libérer sa parole, qu’il est auditionné et qu’ensuite il doit passer le week-end avec le père qu’il a dénoncé comme étant l’auteur de violences sexuelles… il est évident qu’il va y avoir des rétractations de masse. Il n’est pas étonnant dans ces circonstances qu’autant de dossiers de violences sexuelles sur mineurs soient classées sans suite. Non seulement l’enfant est en danger avec un risque de récidive de son agresseur mais c’est aussi le mettre en grand danger psychologique parce que le trauma est réactivé. La Ciivise a rappelé le risque d’effondrement psychique de l’enfant, un fait documenté scientifiquement. Par ailleurs,pour pouvoir soigner correctement le traumatisme de l’enfant, il faut commencer par l’éloigner de l’agresseur, c’est également un fait établi scientifiquement.

Quelles mesures demande CDP-Enfance pour assurer la protection de l’enfant dès le début de l’enquête ?

Pascal Cussigh : CDP-Enfance et le Collectif pour l’enfance demandent la possibilité pour la justice de mettre en oeuvre une ordonnance de protection de l’enfant dès le début spécifique aux enfants. Nous ne demandons pas une suspension automatique des droits du parent accusé, ce qui, juridiquement, pourrait poser problème, mais une décision rapide de l’autorité judiciaire. Primo, qu’un juge aux affaires familiales (JAF) soit saisi dès qu’il y a une plainte ou un signalement concernant un enfant victime de maltraitances. Deuxio, que le JAF statue en urgence en fonction de la vraisemblance des violences. Ces disposition seraient un moyen de déconnecter la procédure pénale des mesures de protection de l’enfant. Ce que la justice a fait pour les femmes victimes de violences conjugales peut être fait pour les enfants.

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